Bon,
je vais continuer à me parler tout seul...
Je vais partir une rumeur, comme le faisait le colonel Parker.
Saviez-vous que...
Non, je vais attendre.
Le colonel aimait faire attendre les gens.
Lisez cet extrait du livre Le Colonel Parker, l'homme dans l'ombre d'Elvis
Pendant toutes ces années, le producteur avait obsédé Parker, qui enviait son pouvoir et sa fortune. Il avait suivi le transfert de Wallis chez Paramount en lisant les journaux du monde du cinéma, et rêvait du jour où il arriverait à Hollywood avec une vedette si grande, qu’un homme comme Wallis viendrait lui manger dans la main.
Ainsi, il avait planifié son coup depuis le début avec Elvis. Il le présenta dans tous les théâtres de la Floride et de la Côte Est contrôlés par la Paramount. Le chanteur y faisait toujours salle comble. Tout cela vint inévitablement aux oreilles des gros bonnets de la Paramount.
Parker n’était pas seulement animé par le désir de maximiser les talents de son client ou, défiant toute imagination, de le rendre riche et célèbre. À présent âgé de quarante-six ans, Parker deviendrait également puissant grâce à Hollywood, plus omnipotent même que les magnats traditionnels. Son but n’était pas seulement de devenir un personnage respecté, mais de créer sa propre légende. Il deviendrait en effet trop respectable pour être importuné et serait en mesure d’oublier qu’il était un immigrant illégal sans papiers. En réalisant cela, Parker serait au sommet de sa gloire, menant ses négociations professionnelles et ses manipulations personnelles avec la bravade scandaleuse d’un pirate de film de cape et d’épée. À aucun autre moment ne serait-il aussi drôle, plus dangereux ou si ouvertement machiavélique dans ses relations d’affaires.
Le premier visé par son mécontentement fut Hal Wallis. De onze ans son aîné, Wallis était la doublure d’Hollywood de son père et, dans l’esprit du colonel, représentait l’image de l’autorité suprême. Wallis symbolisait en plus, non seulement chacun des magnats d’Hollywood qui avaient si outrageusement réussi, mais chaque fils de parents immigrants juifs qui s’était «fait un nom» en Amérique. Ce ne serait pas suffisant pour Parker d’être accepté comme égal par de tels hommes. Il voudrait les asticoter, les intimider et montrer sa supériorité par tous les moyens nécessaires en utilisant magouilles, tromperies et ruses.
Quand Wallis assura le suivi pour fixer la date de l’audition d’Elvis, Parker fit ce qui était tout naturel pour lui: il refusa de répondre au téléphone. Le producteur, jurant par la suite que «rien ne l’aurait empêché de signer un contrat avec ce garçon pour faire des films», téléphona et télégraphia au colonel sur un ton qui frôlait l’exaspération. Hazen, qui comprit que son travail consisterait à s’occuper de l’homme qui s’occupait de la vedette, amorça aussi une campagne futile de coups de téléphone.
Finalement, le colonel conclut des ententes contractuelles préliminaires et, le 26 mars 1956, accompagna Elvis aux studios de la Paramount pour deux jours. Là, n’ayant reçu les textes que la veille, Presley joua deux scènes dramatiques tirées du film Le faiseur de pluie [The Rainmaker] que Wallis s’apprêtait à tourner avec Burt Lancaster et Katharine Hepburn. Comme numéro musical, Elvis fit du lip-synch sur son nouveau disque Blue Suede Shoes, en jouant avec une guitare accessoire.